Facebook : le plus fragile des géants de la Silicon Valley

Facebook : le plus fragile des géants de la Silicon Valley

Facebook est une entreprise jeune et fragile. Le ratage de son introduction sur le NASDAQ (bourse américaine dédiée aux nouvelles technologies) l’a mis en évidence. Cette introduction a montré que la valeur de la société avait été surestimée : lors de l’introduction, elle devait valoir plus de 100 milliards de dollars, depuis le titre a perdu plus du tiers de sa valeur et ce n’est peut-être pas fini….

Plusieurs analystes ont souligné l’optimisme sans doute irréaliste qui a justifié la valeur d’introduction en bourse de Facebook. Cet optimisme est lié à une surestimation de la croissance des recettes publicitaires, principale source de profits de l’entreprise. Première argument à l’encontre de cet optimisme, avec près d’un milliard d’inscrits, le réseau aurait déjà fait le plein des utilisateurs potentiels sur les grands marchés publicitaires. Second argument, l’entreprise aurait du mal à placer les publicités sur la version mobile du site alors même que Facebook est de plus en utilisé sur les smartphones (les deux arguments sont exposés par David Copeland). Mais il y a plus grave que la probable surestimation de la croissance des revenus publicitaire : le risque que Facebook se marginalise et perde en rentabilité, qu’elle devienne à l’échelle planétaire, une sorte de mix entre skyblog et copains d’avant.

Il ne s’agit pas de dire que Facebook pourrait faire faillite prochainement, mais juste voir ses recettes publicitaires chuter au lieu de croître. Deux raisons à cela :

  • la première tient au fait que Facebook a une activité qui dépend de la bonne santé de l’ensemble de l’économie. La publicité est une activité procyclique : quand ça va mal, les entreprises coupent d’abord les budgets des dépenses non indispensables à court terme… à commencer par la publicité ; en revanche quand ça repart, on remet le paquet sur la publicité. L’essentiel des revenus de Facebook dépend de la publicité, l’entreprise est donc particulièrement exposée à la menace d’une crise économique qui dure. Google est dans un cas similaire, mais la société de Mountain View a commencé à diversifier ses sources de revenus en misant sur les services payants (logiciels en ligne payants, études marketing, stockage de données).
  • la seconde raison tient à la concurrence. Internet est un cimetière de succès éphémères : Altavista, Geocities, AOL, Boo.com, caramail, MySpace … Des sites très en vogue aujourd’hui peuvent assez vite être marginalisés. Cela tient à la relative faiblesse des barrières à l’entrée et à la sortie du secteur. Le coût pour lancer un nouveau site de dimension mondiale est relativement faible et en cas d’échec, les investissements perdus sont assez faibles. Ici les entreprises 100 % Internet telles que Google et Facebook ont une faiblesse par rapport à celles présentes sur le hardware (Apple, HP ou Cisco dans un tout autre domaine). Cependant trois protections existent : les brevets, l’effet portail et l’effet club.

 

Les brevets

Dans un secteur aussi innovant, la protection qu’ils procurent est par nature éphémère mais la menace de poursuites judiciaires pour tout nouvel entrant peut les pousser à la prudence. Si Facebook s’est bien lancé dans la bataille des brevets, se démarche reste avant tout défensive : il s’agit d’éviter d’être attaqué et non de gêner de potentiels concurrents. Facebook est donc en retard par rapport à Google, entreprise plus offensive pour l’instant sur les brevets.

 

L’effet portail

Pour encourager les utilisateurs à venir plus souvent et augmenter ses recettes publicitaires, Facebook a essayé de développer un écosystème autour d’applications accessibles depuis son site : jeux, stockage de photos, réseau professionnel… seulement ces différentes applications ont elles-mêmes des concurrents hors réseau, concurrents qui n’ont pas à partager leurs recettes avec le portail d’accueil. Cela explique la possible tentation de s’émanciper de Facebook. Les difficultés récentes de Zynga (développeur de Farmville, Castleville…) et leur impact sur le cours de Facebook montrent par ailleurs les limites de cet effet portail qui rend Facebook dépendant des entreprises qui enrichissent son contenu.

 

L’effet club

L’effet club désigne l’avantage d’utiliser un produit ou un service utilisé par un grand nombre de personnes. De façon simple, si aucune de vos connaissances n’utilise le téléphone, vous avez peu d’intérêt à avoir un abonnement téléphonique. C’est jusqu’à présent le point fort de Facebook. Les déconvenues de Google + le rappellent et suggèrent que Facebook a peu à craindre d’une attaque frontale d’un nouveau concurrent qui prétendrait le remplacer. Il est difficile pour un utilisateur de changer (seul) du jour au lendemain de réseau social.

En revanche, le risque vient de sites grignotant lentement mais sûrement sur les usages de Facebook. Apple avait déjà essayé d’attaquer le marché du réseau social avec Ping, réseau social musical. Cela n’a pas pris, sans doutes que le thème était trop périphérique pour décider assez de gens à participer à cette activité spécifique. Mais, d’autres sites ont réussi à se développer sur des créneaux plus porteurs : les sites de réseau professionnels (LinkedIn, Viadeo), de réseaux d’information (Twitter), les sites de sorties locales (OVS et Amiez en France) ou encore les sites de rencontre et les réseaux militants en ligne. Un des reproches récurrents fait à la société de Mark Zuckerberg concerne le respect de la vie privée. Un sondage récent confirme d’ailleurs la méfiance des utilisateurs sur ce sujet. Si le respect de la vie privée est si important c’est qu’il rejoint un problème clef de l’utilisateur de réseaux sociaux : la gestion de ses différentes sphères relationnelles. Certains parleront même d' »identités multiples » : ce qui effraie avec Facebook est le fait qu’il apparaît compliqué de savoir qui a accès à quel type d’informations vous concernant. Vous n’avez probablement pas envie que votre mère voit les photos de votre dernière soirée arrosée entre amis et il ne serait pas opportun que vos collègues prennent connaissance de vos discussions familiales… Google avait vu l’importance de ce point et proposé comme solution les cercles d’amis. Facebook a finalement proposé un service similaire mais la complexité relative du paramétrage et l’instabilité des règles de vie privée en ont réduit l’efficacité. Finalement, le plus simple pour gérer en toute quiétude la multiplicité de ses sphères relationnelles, c’est d’avoir plus de réseaux sociaux !

Bien entendu,même si le recours aux réseaux sociaux thématiques se développe, les gens garderont un compte Facebook et certains mêmes l’utiliseront à haute fréquence. Mais justement, quel sont les plus gros utilisateurs de Facebook et quel profil type est le moins soucieux du cloisonnement des sphères relationnelles ?

Plusieurs études (ancienne et récente) montrent que la fréquence d’usage de Facebook baisse avec l’âge. Facebook a d’ailleurs abaissé l’âge d’inscription à 13 ans. Or, les adolescents n’ont pas d’activité professionnelle et ont un réseau social en ligne plus homogène (groupe de pairs partageant les mêmes goûts et vivant dans la même zone géographique). Ils constituent probablement aussi le public le moins préoccupé par la multiplicité de sphères sociales (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne font pas attention à la protection de leur vie privée !).

Finalement le danger pour Facebook serait d’avoir essentiellement deux types d’inscrits :

  • des adolescents gros utilisateurs mais peu rémunérateurs en terme de recettes publicitaires. Ce serait le côté « Skyblog » : un site ayant un grand succès mais peu de rentabilité du fait de la faible attractivité commerciale des utilisateurs (car ayant peu de revenus !).
  • des utilisateurs plus âgés utilisant Facebook très occasionnellement pour avoir des nouvelles de connaissances qu’elles ne voient pas sur d’autres réseaux sociaux spécialisés. Cela expliquerait la baisse constatée du nombre d’utilisateurs « actifs ». Ce serait le côté « Copains d’avant » !

 

Finalement, même si elle a encore les cartes en main pour fidéliser son large public, Facebook, première société à avoir été introduite en bourse à plus de 100 milliards de dollars de valeur totale, pourrait bien devenir la plus brillante des étoiles filantes de la Silicon Valley !

Image: forbes.com

 

Editeur:  Ziad Malas est chercheur en marketing et Maître de Conférences  à l’IUT et à l’Université Toulouse Paul Sabatier. 

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